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Juillet 2022
Il y a
trop de monde à la guerre, trop de monde dans les rues, trop de vermine sur le monde,
trop de livres dans les boutiques, trop de pages dans les livres, trop de phrases dans les pages, trop de lignes dans les phrases, trop de lettres dans les mots,
à l’exception d’un seul si je m’adresse à un cuistre
il y a trop à lire dans les lignes et pas assez entre les lignes (…)
J’appelle bourgeois quiconque renonce à soi-même, au combat, à l’amour, pour sa sécurité ;
J’appelle bourgeois quiconque met quelque chose au-dessus du sentiment (…)
En art pas de hiérarchie, pas de sujets, pas de genres. L’art n’a pas besoin de luxe, de bijoux, de cabochons (…), de promenades le long d’un fleuve avec de grands lévriers et des idées de suicide, d’héroïnes intoxiquées, de madones pharmaceutiques, de penseurs à tête de gendarme anémique, d’esthètes aux postures de lion fatigué, de villes d’art, de « feublime » comme parlait Barrès, de grands particuliers comme Chateaubriand, pédicure pour reines barrées, tueur de rats musqués dans sa chambre, Byron coiffeur d’orages (…)
Les grands raseurs travaillent dans l’in-folio, comme il est convenu que les architectes prix de Rome ne construisent que des bâtiments officiels et des palais nationaux.
Léon-Paul Fargue, Sous la Lampe (NRF, 1930)
août 2017
Auf dem See
(Johann Wolfgang Goethe)
Und frische Nahrung, neues Blut
saug’ ich aus freier Welt ;
Wie ist Natur so hold und gut,
Die mich am Busen hält !
Die Welle wieget unsern Kahn
Im Rudertakt hinauf,
Und Berge, wolkig himmelan,
Begegnen unserm Lauf.
Aug mein Aug, was sinkst du nieder ?
Goldne Träume, kommt ihr wieder ?
Weg, du Traum, so gold du bist :
Hier auch Lieb und Leben ist.
Auf der Welle blinken
Tausend schwebende Sterne,
Weiche Nebel trinken
Rings die türmende Ferne ;
Morgenwind umflügelt
Die beschattete Bucht,
Und im See bespiegelt
Sich die reifende Frucht.
(Juin 1775)
Traduction en français
Sur le lac
Et du libre univers nourriture nouvelle
En moi j’aspire, sang neuf dans mes veines ;
Comme Nature est bienveillante et bonne
Qui me presse contre son sein !
La vague berce notre barque
Vers l’amont au rythme des rames,
Et les montagnes, dressées dans les nuages,
Rencontrent notre course.
Mes yeux, mes yeux, pourquoi vous fermez-vous ?
Rêves dorés, revenez-vous ?
Va-t-en, rêve, si doré que tu sois ;
Ici aussi est l’amour, ici aussi la vie.
Sur la vague scintillent
Mille étoiles flottantes,
Les brumes moelleuses boivent
Les hautes masses des lointains alentour ;
La brise du matin volette
Sur les bords de la baie ombreuse,
Et dans le lac se reflète,
Mûrissante, la moisson à venir.
juin 2017
Elizabeth Barrett Browning
Traduction
Une fois, j’ai rêvé que Théocrite chantait
Les belles années, le désir et l’espoir des années
Qui chacune dans une gracieuse main apparaissait
Et portait un présent pour les mortels, jeunes ou vieux :
Et, comme je songeais dans sa langue antique,
Je vis, dans une vision de plus en plus nette noyée de larmes,
Les douces, les tristes années, les années mélancoliques,
Celles de ma propre vie, qui, tour à tour, avaient été oubliées.
Une ombre sur moi. Soudain, je sentis
Que se déplaçait une forme mystique
Derrière moi, qui me tira par les cheveux,
Et une voix majestueuse, alors que je souffrais, dit :
Devine maintenant qui te tient ? « La mort !», dis-je. Mais, là,
La réponse argentée claqua : «Pas la mort mais l’amour !»
Sonnets portugais (1850)
Avril 2017
le poème du mois d’avril 2017
Chanson du présomptif de Saint-John Perse
(extrait)
J’honore les vivants, j’ai grâce parmi vous.
Dites aux femmes qu’elles nourrissent,
Qu’elles nourrissent sur la terre ce filet mince de fumée…
Et l’homme marche dans les songes et s’achemine vers la mer
Et la fumée s’élève au bout des promontoires.
J’honore les vivants, j’ai hâte parmi vous.
Chiens, ho ! mes chiens, nous vous sifflons…
Et la maison chargée d’honneurs et l’année jaune entre les feuilles
Sont peu de chose au cœur de l’homme s’il y songe :
Tous les chemins du monde nous mangent dans la main !
mars 2017
le poème du mois de mars 2017
Fa leszek, ha…
Fa leszek, ha fának vagy virága.
Ha harmat vagy: én virág leszek.
Harmat leszek, ha te napsugár vagy…
Csak, hogy lényink egyesüljenek.
Ha, leányka, te vagy a mennyország:
Akkor én csillagá változom.
Ha, leányka, te vagy a pokol: (hogy
Egyesüljünk) én elkárhozom.
Petõfi Sándor (1845)
Traduction du hongrois
Je serai un arbre, si…
Je serai un arbre, si tu es une fleur d’un arbre.
Si tu es la rosée: moi je serai une fleur.
Je serai la rosée, si toi tu es un rayon de soleil…
juste pour que nos êtres s’unissent.
Si, petite jeune fille, toi tu es le paradis:
alors moi je me changerai en étoile.
Si, petite jeune fille, toi tu es l’enfer: (pour que
nous nous unissions) moi je me damnerai.
Févier 2017
Парус
Белеет парус одинокий
В тумане моря голубом…
Что ищет он в стране далёкой?
Что кинул он в краю родном?
Играют волны – ветер свищет,
И мачта гнётся и скрипит…
Увы, – он счастия не ищет
И не от счастия бежит!
Mikhaïl Lermontov (1832)
Traduction
La Voile
Une voile blanche et solitaire apparaît
Dans le brouillard bleu des mers. –
Que cherche-t-elle en terre lointaine ?
Qu’a-t-elle quitté dans son pays ?
Les vagues jouent, le vent siffle,
Le mât ploie et s’écrie ;
Hélas ! – ce n’est pas le bonheur qu’elle cherche
Et ce n’est pas le bonheur qu’elle fuit !
Janvier 2017
le poème du mois de janvier 2017
« What would the world be, once bereft
Of wet and of wildness? Let them be left,
O let them be left, wildness and wet;
Long live the weeds and the wilderness yet. »
G.M. Hopkins 1881
Traduction
« Qu’arriverait-il au monde, s’il se voyait ravir l’humide et le sauvage ?
Qu’ils nous soient donc laissés
Oh ! qu’ils nous soient laissés, le sauvage et l’humide
Que vivent encore longtemps herbes folles et lieux sauvages ! »
G.M. Hopkins 1881
décembre 2016
L’Infinito
Sempre caro mi fu quest’ermo colle,
E questa siepe, che da tanta parte
Dell’ultimo orizzonte il guardo esclude.
Ma sedendo e rimirando, interminati
Spazi di là da quella, e sovrumani
Silenzi, e profondissima quiete
Io nel pensier mi fingo, ove per poco
Il cor non si spaura. E come il vento
Odo stormir tra queste piante, io quello
Infinito silenzio a questa voce
Vo comparando: e mi sovvien l’eterno,
E le morte stagioni, e la presente
E viva, e il suon di lei. Così tra questa
Immensità s’annega il pensier mio:
E il naufragar m’è dolce in questo mare.
Giacomo Leopardi (1819)
Traduction en français
(par Yves Bonnefoy)
L’Infini
Toujours chère me fut cette colline
Solitaire, et chère cette haie
Qui refuse au regard tant de l’ultime
Horizon de ce monde. Mais je m’assieds,
Je laisse aller mes yeux, je façonne, en esprit,
Des espaces sans fin au-delà d’elle,
Des silences aussi, comme l’humain en nous
N’en connaît pas, et c’est une quiétude
On ne peut plus profonde : un de ces instants
Où peu s’en faut que le cœur ne s’effraie
Et comme alors j’entends
Le vent bruire dans ces feuillages, je compare
Ce silence infini à cette voix,
Et me revient l’éternel en mémoire
Et les saisons défuntes, et celle-ci
Qui est vivante, en sa rumeur. Immensité
En laquelle s’abîme ma pensée.
Naufrage, mais qui m’est doux dans cette mer
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